Fin de trêve… Fin de droit !

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Fin mars : retour du printemps et des beaux jours mais aussi fin de trêve hivernale et lancement de la campagne des expulsions locatives. Le Triton vous propose un tour d’horizon d’une réalité et de pratiques insoutenables.

[dropcap]C[/dropcap]haque année c’est la même chose. Pour les plus précaires, fin mars rime avec la fin du répit qu’est la trêve hivernale. Durant l’hiver la mise à la rue de locataires est suspendue et les places d’hébergement d’urgence augmentées. Le nombre de personnes concernées par les expulsions ne cesse d’augmenter et les raisons sont multiples : marché spéculatif du logement, crise sociale et économique dont les effets se font de plus en plus sentir, échec des dispositifs existants etc.

Chiffres hallucinants

Le nombre des expulsions explose depuis une dizaine d’année. En 2011, 113 669 décisions de justice prononcent l’expulsion 1. En 2012 ce chiffre s’élève à 120 363, + 6% en un ans… En 2011 c’est 12 759 expulsions qui se sont soldées par le recours à la force publique, c’est deux fois plus élevé que 10 ans plus tôt. Dans la plupart des cas, les familles quittent le logement d’elles mêmes : “Si on considère tous ceux qui partent avant l’intervention policière, on est plus près de 40 000 à 50 000 expulsions chaque année”, observe Sylvie Guichard, directrice des missions sociales de la Fondation Abbé-Pierre. Le nombre de personnes privées de domicile personnel s’élève à près de 700 000 personnes début 2015. La réalité du chiffre est dur à appréhender du fait de l’isolement des personnes concernées et de la réticence des administrations à communiquer les chiffres. à commencer par la préfecture du Nord qui n’a pas publié de chiffres sur la question depuis des années.

stop-expulsions-rouge et noirÉchec du droit

Depuis un quart de siècle les dispositifs législatifs s’entassent : Fond Solidarité Logement (FSL), Droit au Logement Opposable (DALO), Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX) etc. Dernière en date, la loi ALUR se contente de mesurettes : extension de la trêve hivernale de 15 jours, élargissement de la saisine de la CCAPEX, la garantie universelle des loyers par l’État est quand à elle restée dans les tiroirs ministériels. Les dispositifs sont une chose, la pratique en est une autre. À l’image du FSL pour lequel les conseils généraux n’ont de cesse de durcir les critères d’obtention ou les commissions DALO qui prennent des éléments fallacieux pour débouter les familles de leurs demandes.

L’action comme réponse

Quand les voies légales censées protéger les locataires des expulsions ne mènent plus à rien, seules l’organisation et l’action collective apparaissent comme solution pour faire prévaloir le droit au logement. Face à la recrudescence des personnes accompagnées par les APU, un collectif de famille prend forme pour se faire entendre. Ces familles, avec le concours de nos collectifs associatifs, ont mis en place une multitude de démarches (Reprises de paiements, règlement de la dette ou baisse significative, saisine de la banque de France, saisine de la commission DALO, saisine de la CCAPEX…), mais les commandements de quitter les lieux sont tombés. La première étape est la saisie collective du Juge d’Exécution (JEX), pour demander un délai supplémentaire le temps que les démarches puissent aboutir afin d’éviter l’expulsion. La suite, ce sont les familles qui la décideront avec notre soutien. Il est question de visibiliser la situation et d’intervenir auprès des décideurs (préfecture en premier lieu). Á Toulouse, une campagne plus large dure depuis quatre ans et est passée à l’action concrète : la Campagne de Réquisition d’Entraide et d’Autogestion (CREA), a ouvert plusieurs dizaines de lieux pour y loger plus d’une centaine de personnes. L’action s’articule autours des lieux d’habitation et d’un lieu central, servant à l’auto-organisation et à l’entraide. Une vraie source d’inspiration en ces temps maussades.