On continue notre travail de déconstruction du discours public à travers ce numéro après la tentative de réponse aux questions : « Qui habite la ville ? Quelle place est laissée aux habitants ? » On s’attaque cette fois à la notion de « Mixité sociale » et à tout ce qu’elle cache. Reprenons une définition du Collectif Manouchian 1.
[dropcap]L[/dropcap]a notion de mixité sociale est un concept trompeur. Elle apparaît positive et progressiste à priori. Or elle ne l’est pas. Présentée comme « un idéal », la mixité sociale est un objectif des politiques publiques qui vise à diversifier la « composition sociale » des habitants d’un quartier. S’il y a une concentration de pauvres dans un quartier, l’objectif de mixité sociale consiste d’une part à importer des habitants plus riches dans le quartier et d’autre part à déplacer tout ou partie des « habitants à problèmes » ailleurs. L’idéal de la ville est alors présenté comme une ville où se côtoient des habitants de conditions sociales culturelles et économiques diverses. Le premier élément qu’il faut souligner est que cet idéal de « diversité sociale » et de « mixité sociale » ne s’applique qu’aux quartiers populaires et aux banlieues ouvrières. Il n’est pas question d’introduire des pauvres au cœur des quartiers riches pour favoriser la mixité sociale ». Deuxième chose : la notion de « mixité sociale » donne l’apparence de résoudre les problèmes de pauvreté. Or, la mixité sociale ne lutte pas contre la pauvreté, elle ne fait la déplacer géographiquement. Ce qui la rend moins visible.
En effet, les statistiques mesurant la pauvreté montrent, après dispersion, que le taux de pauvreté recule sur un territoire après une politique de mixité sociale volontariste. C’est pratique politiquement et payant électoralement, mais c’est une imposture. Les pauvres sont toujours aussi pauvres, mais ils apparaissent moins dans les chiffres. La mixité sociale ne permet pas de lutter contre les inégalités, elle les disperse.
Pour finir, derrière ce tri social se cache un processus de discriminations raciales. L’idée de mixité implique que si dans le quartier il y a trop d’immigrés ou trop d’étrangers, cela est un
problème en soi. L’objectif consiste alors à importer plus de « blancs », plus de « français » et à déplacer les anciens habitants du quartier disqualifiés du fait de leur origine réelle ou supposée. Cet objectif n’est jamais clairement affiché et pourtant il porte un nom à l’interne des institutions : « politique de repeuplement » ou « politique d’équilibre des territoires » par immeuble ou par secteur. Nous insistons sur le fait que la mixité sociale est un des principaux facteurs de discriminations racistes et de discriminations sociales. Elle pèse dans les difficultés d’accès au logement. Très concrètement une famille ayant besoin d’un logement et étant en attente depuis de nombreuses années peut se voir refuser un logement à cause des critères de mixité sociale.
1 : Collectif Manouchain, Glossaire critique des notions liées aux discriminations racistes, in, Les Figures de la Domination, Outils et concepts au service des luttes.