Rue de Lannoy, Vaucanson ou Philadelphie, une foule d’édifices vient s’inviter à Fives. Depuis les années 2000 plus de 800 logements (du studio à la maison de ville) ont émergé du sol. La terre de Fives cacherait-elle un pétrole fort juteux pour que certains décident de l’investir ?
[dropcap]B[/dropcap]ouygues Immobilier, Nacarat, Groupe SIA, Pierre et territoire : des promoteurs devenus spécialistes de la rente terrestre : dealers de foncier, mercenaires d’humus, ou orpailleurs immobilier, ils se sont fait marchands du commun urbain.
«La propriété pour tous»
C’est durant les années 1950 -devant une France en pleine reconstruction- que se développa un nouvel acteur de la ville: le promoteur. Son rôle , «[prendre] l’initiative de la réalisation du bâtiment qu’il destine à la vente, [réunir] les financements nécessaires au projet et en [assumer] le risque. Initiateur, responsable et pilote de l’opération, il est celui pour le compte duquel est édifié l’ouvrage.»2. En d’autres termes, le promoteur réunit de l’argent, construit un immeuble, et en retire encore plus d’argent. Le social n’étant pas la première priorité.
«Quand on sait que la construction d’un logement neuf a coûté 1 000 à 1 200€/m² et que vous l’achetez 6 000€, où va l’argent ?»3 Si il n’est pas le seul responsable, le promoteur arrive en deuxième position dans l’addition finale, (dessin illustrant les chiffres) avec 25% du coût global (le premier étant le coût de la construction estimé à 40%)4. L’ensemble de la somme pris en charge par le promoteur, se nomme «frais de portage». Il comprend, certes un peu d’assurance, d’acquisition, et de chantier, mais une grande part sert aussi à la commercialisation, à la publicité, et au fonctionnement de la boutique. A ce cela il ne faut pas oublier la marge de bénéfice comprise entre 3 et 7% . S’ajoutent aussi d’autres dispositifs d’aides, de subventions publiques et de défiscalisation.
Cette profession ne semble pas connaître la crise : le chiffre d’affaire de la filiale Bouygues Immobilier a bondi de 11% entre 2013 et 2014. Jouissant toujours d’une vaste liberté, ces opérateurs totalement privés continuent à modifier discrètement, opportunément mais surtout aveuglement, l’espace collectif des villes. Sourd face aux attentes des habitant-es, l’urbanisme cède aux sirènes de la promotion immobilière. Charmée par leurs envoûtements à court-terme, la ville se craquelle.
«Ca construit, mais pourquoi c’est pas pour nous ? »
« Pour une ville durable et désirable» : On ne peut que s’interroger derrière cette sentence d’un géant de la promotion. Durable de quoi ? Désirable pour qui ? Exploitant la situation d’un État qui ne se donne plus les moyens d’agir, ces entreprises vendent ainsi leurs modèles de bâtiments enclavés. Ce sont les fameux partenariats publics-privés si rentables. L’État, pour compenser cette perte «de légitimité et de souveraineté, [amplifie] ses fonctions de contrôle […] Il devient policier à hauteur de son incapacité. […] L’expulsion dans une main, l’urbanisme dans l’autre, les maires se prêtent sans faiblir à l’application de cette politique»6. Glissant d’un urbanisme de projet à un urbanisme de règles la ville se standardise. Dès lors, qui donc a intérêt à faire baisser le prix pour garantir un «droit à la ville pourtous»?
Certainement pas les promoteurs !