Fin de la trêve : reprise des expulsions

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Ça y est, c’est la fin de la trêve hivernale. L’horrible ballet des expulsions va pouvoir reprendre son train-train habituel. Pour l’occasion, on re-publie cet article, sorti initialement dans le Triton Libéré, le journal de l’APU Fives en novembre 2014. Il relate l’expulsion de la famille K… un jour avant la trêve.

[dropcap]«[/dropcap] Force est à la loi ! Force est à la loi ! » Ce jeudi 30 octobre 2014, devant une maison de la rue du Long Pot, Maître D., huissier de justice, tente de se justifier quand les militant-es de l’APU de Fives l’interpellent sur l’expulsion qu’il est en train d’exécuter. Cinq policiers, un commissaire et des déménageurs encadrent un serrurier qui fracture la serrure de la porte d’entrée. A l’intérieur : la famille K., le père, la grand-mère – âgée et malade – et les deux enfants terrorisés. Quelques minutes plus tôt, ils ont appelé l’APU en entendant les coups de la police à la porte. La trêve hivernale commence le lendemain à 21h. Les flics et les huissiers ont du travail…

Quelques années auparavant la famille K., accompagnée par l’APU avait fait une demande d’asile. Elle est donc prise en charge et hébergée par l’AFEJI. La demande d’asile ayant été refusée, l’association demande l’expulsion d’une famille à jour de loyer et pour qui des pistes étaient en cours pour trouver un autre logement.

La trêve hivernale commence. Les  flics et les huissiers ont du travail…

Une fois la porte fracturée, les policiers attrapent M. K., le sortent du logement en le maintenant par les bras et le plaquent au mur. La scène est violente. Les agents – qui ont l’air d’avoir vingt ans à tout casser – lui demandent ses papiers. Il ne les a pas : ils l’embarquent immédiatement pour le comico central de Lille-Sud.
Les enfants sont à l’intérieur avec la grand-mère. Elle ne peut pas se déplacer : le commissaire appelle une ambulance qui met une demi-heure à arriver. Pendant ce temps, les déménageurs se sont mis en action. Ils vident l’appartement dans un camion stationné en face de l’immeuble. Tout y passe : fringues, bouquins, affaires d’école, guitare, etc. La vie d’une famille qui passe sous nos yeux.
On est une petite dizaine de militants à être présents face aux policiers qui encadrent l’expulsion. Deux petits jeunots discutent entre eux : « Il doit pas être content le boss de voir autant de monde devant. » Et effectivement, au bout d’un moment, le commissaire s’approche de l’un de nous :

« – Vous êtes venus en force ?
Oui, ce sera toujours comme ça maintenant à Fives.
Pourquoi ?
On vient de créer un APU à Fives et maintenant on est présent sur le quartier.
Mais vous êtes là pour aider, hein ? Pas pour vous opposer ?
On ne vient pas pour participer aux expulsions. Mettre une famille à la rue avant l’hiver on trouve ça dégueulasse. Par contre, oui, on va aider la famille à trouver un autre logement. » On tourne les talons et on clôt la discussion.

poing-droit-au-logement

L’huissier de son côté joue le faux-derche. Il essaye de nous faire comprendre qu’il est vraiment triste de foutre cette famille à la rue : « Si on n’était pas là, ça se passerait à la batte de base-ball », qu’il nous balance. Le hic, c’est qu’à Fives ça se passe déjà comme ça et que la batte de base-ball ou la matraque on voit pas bien la différence. A part peut-être que les matraques savent aussi reconduire à la frontière. Entre nous on discute et puis fuse un échange :

« – Je comprends pas comment on peut devenir huissier… ?
Moi je vois à peu près : pas assez riche pour être notaire, trop mauvais pour être avocat ! »

Une bonne définition qu’on se promet de garder et de vous rendre compte dans ce Triton. A l’APU ça s’active : Maïté essaye de trouver une solution pour la famille pour les deux prochaines nuits. Ce sera un hôtel à proximité de l’hôpital où la grand-mère passera la nuit. L’expulsion se finit. On reçoit des textos : un squat est en train de se faire expulser au même moment à Wazemmes. L’affaire est pliée. Avant de partir, l’huissier lance aux déménageurs : « On se voit demain, hein. A huit heures et demi à La Madeleine ! » Saloperie de métier.

 NB1 : Après quelques nuits à l’hôtel, la famille K. trouvera finalement à se reloger de son propre chef. Mais les problèmes de papier reviennent au galop. Le logement est trop cher et le propriétaire, un marchand de sommeil. Nouvelle bagarre en perspective.

NB2 : ce samedi 2 avril, manifestation contre toutes les expulsions ! 14h30 Grand’Place de Lille. Soyons nombreux !